Kindia : entre micro et rizière, le double engagement d’Ismaël Khatia Sylla
À Kindia, Ismaël Khatia Sylla conjugue journalisme et agriculture. Entre micro et rizière, il incarne une jeunesse fidèle à ses racines.
Le 28 septembre 1958, la Guinée dit NON à la Communauté française, choisissant l’indépendance immédiate. Retour sur ce moment historique et ses enjeux
Le 28 septembre 1958 demeure une date fondatrice dans l’histoire de la Guinée contemporaine. Ce jour-là, les Guinéens se sont prononcés par référendum sur la Constitution de la Cinquième République française, qui proposait la création d’une « Communauté française » regroupant l’ancienne métropole et ses colonies. Contrairement aux autres territoires africains francophones, la Guinée fit le choix du « NON », ouvrant la voie à une indépendance immédiate, proclamée le 2 octobre de la même année.
Ismaël Condé, professeur d’université à la retraite et témoin direct de cette période, a accepté de revenir sur ce moment historique au cours d’un entretien exclusif qu'il a accordé à un contributeur d’IdimiJam.com. Son témoignage revient sur les raisons qui ont poussé la Guinée à refuser la communauté française, ainsi que les conséquences de ce choix sur le destin du pays.
Selon Ismaël Condé, le texte soumis aux colonies par la France affichait en apparence des valeurs d’égalité et de solidarité, mais les dispositions réelles de la communauté révélaient une domination persistante de Paris. Le président de la communauté devait être celui de la République française, élu principalement par des électeurs métropolitains. Les institutions centrales, telles que le Sénat et l’Assemblée nationale, restaient contrôlées par les Français, avec une représentation très marginale des colonies.
La Guinée, dans ce cadre, n’aurait pas disposé de sa propre armée, ni de sa monnaie, ni même de la liberté d’envoyer ses propres ambassadeurs à l’étranger. « Dans ce système, souligne-t-il, la France restait le cavalier et les colonies le cheval », rappelant ainsi l’inégalité structurelle inscrite dans la Constitution proposée.
Le Parti démocratique de Guinée (PDG), dirigé par Ahmed Sékou Touré, avait dès lors opté pour le refus. Selon le doyen Condé, ce choix s’inscrivait dans la continuité du combat mené par le parti depuis sa création : dignité, liberté et indépendance. Le célèbre échange du 25 août 1958 entre le général de Gaulle et Ahmed Sékou Touré illustre cette posture. « Nous préférons la liberté dans la pauvreté à la richesse dans l’esclavage », avait affirmé le leader guinéen.
Le « NON » guinéen entraîna une réaction rapide et sévère de la France. L’administration coloniale se retira précipitamment, emportant avec elle documents, équipements et cadres techniques. Ce départ s’accompagna de mesures de sabotage et d’un isolement diplomatique. La France tenta même de bloquer l’adhésion de la Guinée aux Nations-Unies, qui ne fut obtenue qu’avec l’appui des forces progressistes à travers le monde.
Ismaël Condé insiste cependant sur le fait que, malgré ces difficultés, le choix du 28 septembre 1958 représentait une victoire historique pour le peuple guinéen. Il rappelle que ce vote fut massif et unanime. « Dans aucune région de la Guinée, le NON n’a obtenu moins de 85 % », explique-t-il, précisant que le score national s’établit à 96 % de NON contre 4 % de OUI.
À l’époque, le jeune Ismaël Condé était militant du PDG à Kankan. Il se souvient de l’enthousiasme et de l’engagement des jeunes dans la campagne référendaire. « Tous les jeunes de mon âge étaient des révolutionnaires. L’idée du changement était profondément ancrée dans la tête du Guinéen », se souvient-il, avant d'ajouter que l’unité des forces politiques autour du PDG a renforcé le poids du NON, puisque d’autres partis, tels que le Bloc africain de Guinée (BAG) de Barry Diawadou ou la Démocratie socialiste de Guinée (DSG) de Barry III, se rallièrent à la cause indépendantiste.
Pour le doyen, ce vote ne fut pas seulement une victoire du PDG, mais bien « l’action de tout le peuple de Guinée ».
Plus de six décennies après ces événements, Ismaël Condé regrette que la mémoire de cette période ne soit pas mieux transmise aux jeunes générations. Selon lui, beaucoup ignorent encore les véritables enjeux de ce choix ou estiment que l’indépendance fut prématurée. Il répond à ces critiques en affirmant que l’indépendance est une condition nécessaire au développement de tout pays. « Tous les pays au monde savent que sans l’indépendance, le développement est impossible », insiste-t-il.
Il souligne également que dans les grandes nations, le patriotisme est considéré comme une valeur fondamentale, et que la Guinée ne devrait pas rester à l’écart de cette logique.
Pour ce témoin de cet événement historique, l’enjeu n’est pas seulement de se souvenir, mais de transmettre. Le vote du 28 septembre 1958 illustre un choix collectif et courageux, celui de rompre avec la domination coloniale et d’assumer le risque de l’isolement pour conquérir la liberté. Pour lui, cette date reste un symbole de dignité et de souveraineté, et doit continuer à inspirer les générations actuelles et futures.
Djenaba Diakité